Notre Dallas à la Chartreuse (journal de bord)

Publié le par L'individu




Du 8 au 31 septembre 2008, nous étions à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon pour travailler au 2eme Acte de "Notre Dallas". L'objet de la "résidence d'écriture plurielle" était: le croisement de "l'écriture radiophonique" avec "l'écriture de plateau".

Un autre objectif était de mettre en place scéniquement ce deuxième acte qui pose l'enjeu dramaturgique de la pièce à savoir: l'Héritage, notamment par le truchement de la figure de JR qui va subir une sorte de dérèglement.


Nous avons présenté une ouverture de travail le 25 septembre suivi d'une rencontre avec le public qui nous livra ses impressions.

(Photos: copyright Philippe Malone.)




L'acte débute par l'annonce de la mort du père, aussitôt suivi du testament pris en charge par Miss Ellie (Elisa Voisin).

C'est le tournant de la pièce qui jusqu'ici abordait les figures "à grands traits", de manière presque "caricaturale", dans un genre qui pouvait aller jusque proche de la farce.

Dès ce moment, sans véritablement s'absenter, la comédie se teinte peu à peu de psychologie et de troubles existentiels.


MISS ELLIE. - Mais pour la compagnie, il n’y aura pas d’héritage – aucune dispersion.

Ce que j’ai fondé, il faudra le gagner "par le mérite", ou mieux encore mes enfants ! par le "talent".

Pas de partage donc, mais à l’image de la seule loi qui vaille sur la terre du Texas : « The strongest is the winner… le plus fort gagne ! » – et selon l’autre formule : « Le mort saisit le vif » –  mort ou vif, c’est à qui saisira la fortune !



(Photos: copyright Philippe Malone.)



JR (Olivier Malinti, ici à droite) va devenir la figure qui va perturber le doucereux cosmos familial. "générés ou auto-créés" est la question qui lui naît, suite à la mort et au désaveux du père...

On assiste durant cet acte: à sa chute lucide proche d'une folie qui n'est pas sans rappeler celle d'Hamlet.


Dans une longue scène avec son frère, on retrouve Bobby (Guillaume Clausse, à gauche) engoncé dans sa posture de moralisateur incapable d'aucune empathie qui ne soit feinte.



(Photos: copyright Philippe Malone.)



BOBBY. – JR, tu ne peux pas t’opposer à la tradition. Si tu espères un jour diriger la famille, il faut te plier à ses lois – à ses règles. Papa veut simplement que nous prouvions notre vertu. Ray s’est occupé des terres, il est juste qu’une partie lui revienne. Les lois de la vertu et du talent sont en vigueur depuis Jefferson !



Le travail autour de la radio nous a surtout permis de lui voir apparaître sa véritable fonction. Ainsi, nous avons découvert à notre choeur/média: une véritable fonction de Persona au sens latin du terme (qui parle à travers), mais aussi au sens Jungien (masque social), dans le sens où il est à la fois "intime" et "universel", "incarné" et "anonyme". La pensée galopante nous amène vers la fonction même du public dont il pourrait en quelque sorte être la mise en abime.

UN CHOREUTE. – J’entends des voix – je vois des spectres.

Les mains collées aux oreilles, la meurtrière de ma bouche est braquée sur le moindre chaland qui s’approche. Juché sur mon fil – j’attends.

Des silhouettes approchent.

Les fantômes – de nos petits papas (...)

(Photos: copyright Philippe Malone.)




Le 3 eme acte, qui sera présenté au Gyptis du 20 au 24 janvier 2009 (dans le prolongement des 2 autres), a été ré-écrit en abandonnant sa première visée (glissement vers la tragédie) au profit du prolongement de la thématique abordée de l'héritage du 2eme acte, tout en l'approfondissant.

Le 3eme acte débute ainsi sur la naissance de John Ross3, le fils de JR et de Sue Ellen, puis rapidement, un "virage" permet de mettre en frottement la série Dallas "elle-même" avec l'objet que nous proposons, et ce par le truchement du dernier épisode de la série.*

La pièce se termine par une balade de JR à son fils.

(Photos: copyright Philippe Malone.)



*UN CHOREUTE. – Mai 1991. Le 363eme et tout dernier épisode de la série télévisée Dallas apparaît sur les télévisions états-uniennes.

Il s’intitule : « le voyage ».

Ce même mois, en France, Edith Cresson est nommée Premier ministre. Depuis janvier la guerre a éclaté en Irak, accessoirement, Fanny Lejeune ne veut toujours pas sortir avec moi ; c’est une très bonne année pour le pinard…

En décembre 91, il n’y aura plus d’URSS, mais en mai, à ce moment précis, JR apparaît sur les écrans de monsieur John Doe dans un terrible état, au plus minable de lui-même : ruiné, désolé… seul.

Sans doute sait-il déjà qu’il n’existera plus d’épisodes après ce tout dernier.

Sans doute sait-il : « que le vieux monde est en pleine agonie», qu’ il l’entraînera dans sa chute, et qu’il n’aura rien à transmettre sinon des chariots de paille, de celle qu’il obtint en spéculant, celle dedans laquelle son fils étouffera.

Et JR va mourir.

(Extrait du 3eme acte)

(...) TO BE CONTINUED


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