Dallas et la politique

Publié le par L'individu

Il me semble intéressant de travailler sur Dallas, toutefois,
c'est une série qui a 30 ans! Aussi
intelligente soit-elle (parce qu'elle l'est),
elle est à la fois miroir, révélatrice et annonciatrice des
désirs occidentaux de la fin des années 70 et du début
des années 80. Elle a donné naissance à beaucoup de
séries qui trouvent aujourd'hui leur succès
(nécessité?). Dans les années 80, 2 autres séries sont
nées, deux soap operas : Les Feux de l'amour, Santa
Barbara (Dallas n'étant pas un soap!). Les années 90
ont vu naître Beverly Hills. Je crois qu'il y a une
grande différence entre les séries d'hier et les
séries d'aujourd'hui, sur le plan de leur fonction
sociale (je n'amalgamerai pas la fonction sociale et
la fonction commerciale ou audimat). Idiotement, je
dirais qu'il y eut des séries de "propagande" et
d'autres, de "résistance timide ou résignée, tuée dans
l'oeuf" (parce que soumises aux contraintes de
production ou encore dûe, et plus probable, à une
auto-censure de leurs auteurs). La question qui
m'intéresse, je veux dire la première qui me vient,
est : Qui a fait Dallas? Qui sont ces personnes? ces
scénaristes, ces producteurs? Qui écrit Dallas en
pleine guerre froide? Dallas est une série
hollywoodienne. Les séries d'aujourd'hui sont écrites
à New York. Il est très clair que les séries
d'aujourd'hui sont écrites par de jeunes démocrates de
30 ans, qui ne trouvent pas assez de boulot dans le
cinéma indépendant. Les séries d'aujourd'hui racontent
nos vies, l'imaginaire y est limité, voire inexistant.
Les séries d'aujourd'hui nous rassurent, nous
sécurisent. Elles ne suscitent aucun désir, ce n'est
pas leur fonction. Dallas avait, je crois une fonction
beaucoup plus douteuse. Quelle était la fonction
politique des pièces de Racine? pour qui les
écrivait-il? Pour qui Dallas existe-t-il? les
Américains? les autres? Dallas ne propose pas encore
la décadance des fins de siècles, Six Feet Under s'en
approche à la fin des années 90, et aujourd'hui Heroes
suscite l'espoir des débuts de siècles. Serait-ce un
retour à l'imaginaire? En tous cas, il va bien
falloir. Les mythes se transforment, ils changent de
fonction selon le contexte politique. Les héros de
Dallas étaient des modèles à suivre ou à ne pas
suivre, aujourd'hui les héros des séries, c'est nous.
Nous, les héros...
Il me semble qu'il faille "humaniser" la recherche, en
ce sens, qu'il faut d'abord savoir qui, pour
comprendre pourquoi. S'inclure dans le lot, humble, et
s'engager à se positionner émotionnellement, ne pas
seulement donner une pensée, mais aussi un mouvement
physique et généreux, parler de soi.

Arnaud Pirault (Metteur en scène et directeur artistique du Groupe en Fonction à Tours)

Publié dans Questions- réflexions

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